A peine arrivé à Berlin (30 septembre 1970), le lendemain, 1er octobre, je suis désigné, avec mon peloton, pour la relève de l'unité soviétique à la prison de Spandau. Me voilà plongé dans l'histoire. C'est au tour des unités françaises stationnées à Berlin de garder l'unique prisonnier de cette forteresse : Rudolf Hess. Depuis les miradors nous pouvions voir le prisonnier qui prenait l'air dans le parc, lors de nos factions de 2 heures.
*
La prison de Spandau était située à l'ouest de Berlin, dans le quartier de Spandau, en secteur d'occupation britannique, et fut célèbre pour ses prisonniers, des ex-dignitaires nazis.
Elle fut construite en 1876 afin de servir comme prison militaire. À partir de 1919, on y incarcéra également des condamnés civils. Elle pouvait alors compter environ 600 détenus.
*
Les militaires des 4 puissances alliées (France, URSS, Royaume-Uni, États-Unis ) qui se relayaient mois après mois dans la prison n'avaient aucun contact direct avec les prisonniers. Le système de sécurité était maximal. Les gardiens avaient ordre de tirer à vue sur tout individu tentant de s'introduire dans l'enceinte (des panneaux avertissaient de ce risque autour de la forteresse).
*
Des tentatives de libération de Rudolf Hess auraient eu lieu dans les années 1970-80, sans que l'on sache combien.
Cette prison fut détruite après la mort de son dernier prisonnier, Rudolf Hess en 1987, qui fut le seul occupant des lieux durant les 20 dernières années de sa vie.
*
Le 19 juillet 1947, les anciens dignitaires nazis condamnés à l'incarcération par le tribunal de Nuremberg y entrèrent pour purger leurs peines. Les Américains, Britanniques, Français et Soviétiques s'occupèrent alors conjointement de l'administration de l'établissement. Ils s'assurèrent également chaque mois à tour de rôle de la surveillance des sept prisonniers :
*
Konstantin von Neurath (1873-1956) gracié en 1954 ;
Erich Raeder (1876-1960) libéré en 1955 ;
Karl Dönitz (1891-1980) libéré en 1956 ;
Walther Funk (1890-1960) libéré en 1957 ;
Baldur von Schirach (1907-1974) libéré en 1966 ;
Albert Speer (1905-1981) libéré en 1966 ;
Rudolf Hess (1894-1987) mort dans la prison en 1987.
*
Le roman "Des chiens vivants de Jean Anglade", qui fait référence aux sept dignitaires nazis incarcérés dans la prison de Spandau, après leur jugement au tribunal international de Nüremberg en 1945.
Le livre "Les 7 de Spandau" est un document précis et documenté sur la prison-forteresse.
Le roman "Oies Sauvages" de Daniel Carney : un groupe d'activistes engage le mercenaire Allen Faulkner pour libérer Rudolf Hess au début des années 1980. Ce roman décrit très bien la forteresse de Spandau et l'auteur avait trouvé une vraie faille dans le système de sécurité de la prison.
*
La prison de Spandau est parfois confondue avec la citadelle de Spandau, construite au cours de la seconde moitié du XVIe siècle et située à trois kilomètres.
*
Histoire de Rudolf Hess - Le 10 mai 1941, Rudolf Hess prétend vouloir essayer un Messerschmitt Bf 110 et détourne l'avion jusqu'au nord du Royaume-Uni. Essuyant des tirs de DCA, il saute en parachute à Ayrshire, il est immédiatement arrêté par les autorités britanniques.
Il demande alors à rencontrer le Duc d'Hamilton qu'il dit connaître depuis une visite officielle du Prince de Galles en Allemagne avant la guerre. Il pense que le Duc serait un bon médiateur, au service de lord Halifax, opposant et successeur potentiel de Winston Churchill.
*
Les services secrets avaient encouragé le premier ministre britannique à accepter d'ouvrir des discussions avec des représentants de l'Allemagne nazie pour laisser penser qu'une paix était envisageable. Pour rendre crédible cette opération, la stratégie consistait à laisser croire qu'une fois que Winston Churchill serait mis en opposition à la Chambre des Lords, Lord Halifax - son successeur le plus crédible - accepterait de négocier un arrêt des hostilités. A cette époque, l'Empire britannique supportait seul l'effort de guerre et la politique de Churchill était très critiquée. Une partie de la classe politique, menée par Lloyd George, souhaitait l'arrêt des hostilités afin de préserver l'Empire.
Rudolf Hess est emprisonné quelque temps à la tour de Londres. Hitler prétend alors que Hess est devenu fou, et qu'il a agi de sa seule initiative. Toutefois, le colonel SS Otto Skorzeny affirme dans son livre «La guerre inconnue» qu’Hitler était parfaitement au courant du projet de Rudolf Hess de partir négocier en Grande-Bretagne.
Martin Bormann lui succède au poste d'adjoint et Hess passe le reste de la guerre au Royaume-Uni.
*
Rudolf Hess est jugé au cours du procès de Nuremberg pour complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Au cours du procès, il ne se reconnaît coupable d'aucun de ces crimes et se dit même fier d'avoir servi son maître, Adolf Hitler, et le peuple allemand. Il va jusqu'à invoquer son action en Écosse où il avait tenté, selon lui, de mettre fin à la guerre entre l'Allemagne et le Royaume-Uni, au péril de sa vie, et avait été emprisonné pour cela.
*
Des quatre chefs d'accusation, seuls sont retenus le complot et les crimes contre la paix. Il est condamné à la prison à perpétuité, sanction qui sera appliquée sans remise de peine.
Pendant les années qui suivent, il est le prisonnier «numéro 7». Après les libérations de Baldur von Schirach et d'Albert Speer en 1966, il reste le dernier prisonnier de la prison de Spandau (Berlin-Ouest). Ses aumôniers affirment que contrairement aux idées reçues, Hess n'avait rien d'un fou, ou d'une personne psychologiquement fragile.
Il meurt à Spandau en 1987 à 93 ans, pendu à un fil électrique. Sa mort est classée comme un suicide, bien que son fils Wolf Rüdiger Hess ait toujours défendu la thèse d'un assassinat perpétré par les SAS ou la CIA. La thèse de l'assassinat est défendue par la famille de la victime, ainsi que par les néonazis qui voient à travers cette mort un martyr nazi. Les médecins légistes anglais confirment néanmoins la thèse du suicide.
*
Après la mort de son dernier prisonnier, Rudolf Hess, seul occupant des lieux entre 1966 et son suicide en 1972, et afin d'éviter que le lieu ne fasse l'objet de rassemblements néonazis, l'établissement est entièrement rasé en 1987 et remplacé par un supermarché, l'ancien Britannia Centre Spandau. Les matériaux qui avaient servi à la construction de la prison furent dispersés dans la mer du Nord.