Le TMFB (Train militaire Français de Berlin)
Fin septembre 1970, affecté à Berlin, j'arrive à Strasbourg où je dois prendre le Train Militaire Français. Je repère ce train assez facilement, les wagons sont marquées TMFB. Ce train semble, ma foi, assez confortable, compartiment, couchettes tout y est...
" Vous ne changez pas de compartiment, les rideaux devront être tirés lorsque l'on vous le dira, interdiction de regarder par les fenêtres et les portes seront vérrouillées de l'intérieur...." nous informe un militaire. Drôle d'accueil pour un premier voyage vers Berlin...
Allez c'est parti, tout le monde est embarqué, le train roule doucement pour l'instant nous voyons encore dehors puisqu'il fait encore jour, nous quittons Strasbourg, passons le pont de Khel et arrivons à la frontière où le train s'arrête.
Contrôle douanier : accompagné d'un militaire, l'appel dans le compartiment, tout le monde est là, compartiment suivant..... Cet arrêt semble s'éterniser, puis le train repart à petite vitesse... ce qui est certain c'est qu'à cette vitesse là, nous ne sommes pas prêts d'arriver....
J'apprendrai par la suite que ce train militaire n'est pas prioritaire et qu'il doit attendre que les cantons (voies) soient libres pour pouvoir passer.....Enfin aprés quelques arrêts et ralentissements successifs nous roulons à une vitesse qui semble plus régulière, ouf ! on avance.
Voilà plus de 2 heures que nous avons quitté Strasbourg et franchi la frontière allemande et il est près de 22 h 00 lorsque que l'on nous propose des boites de rations et une boisson au choix ; bière, vin ou jus d'orange... Le luxe !
Refus général pour moi, j'avais mangé une énorme et succulente choucroute à Strasbourg qui me gênait un peu aux entournures. Mais le plus important est sans doute la phrase qui accompagne cette distribution : " Vous serez à Berlin demain matin vers 8 heures ". Eh bien voilà, je suis fixé sur l'heure d'arrivée à Berlin.
Nous roulons plus ou moins régulièrement une bonne partie de la nuit, essayant de dormir un peu malgré les ralentissements et secousses du train. Vers les 4 heures du matin nous sommes franchement réveillés par un arrêt et surtout par l'irruption d'un militaire dans le compartiment : " A partir de maintenant les rideaux doivent restés clos, il est interdit de regarder par les fenêtres ainsi que de prendre des photos. Les portières sont verrouillées de l'intérieur, interdiction formelles de les dévérrouiller quel que soit le prétexte... ".
Evidemment, des intrépides du compartiment ont bravé l'interdit et risquent un oeil dans les coins de rideaux. C'est ainsi que j'aperçois les soldats russes en faction sur le quai.
L'arrêt se prolonge un moment et enfin nous repartons, cette fois, les arrêts et les ralentissements se succédent. De temps en temps je me risque à jeter un regard furtif par l'embrasure du rideau, c'est alors que j'aperçois la voie bordée d'une clôture renforcée....
J'apprendrai plus tard que cette portion de trajet qui va de Helmstedt à Berlin est appelée " Le Couloir ", celui-ci se trouve sur le territoire de l'Allemagne de l'Est. Il s'agit de la voie empruntée par les forces alliées pour aller de Berlin à l'Allemagne de L'Ouest. Pour des raisons diplomatiques, il est interdit de prendre des photos et de regarder par les fenêtres du train. Les portières sont verrouillées pour dissuader tout candidat de l'Est à s'enfuir en montant dans le train...
Vers 8 heures du matin nouvel arrêt, toujours par les coins de fenêtres j'aperçois quelques immeubles et surtout les premiers éléments du mur. Nous sommes à l'entrée de Berlin Ouest, c'est le dernier contrôle Soviétique.
Quelques dizaines de minutes plus tard nous arrivons à la Gare de Tegel située en secteur français de Berlin où nous sommes accueillis par des militaires qui nous demandent d'embarquer dans des camions à destination du Quartier Napoléon pour rejoindre nos unités d'affectations.